Illus­tra­tions

Un chien de tour­ni­quet au tra­vail dans une roue de cuis­son en bois au sein d’une auberge à New­castle en 1869.
Nicole Oresme
Louis‐Sébastien Mer­cier

Réfé­rences

Stof­fel (Jean‐François), « Comme la chair rôtie à la broche…» : heurs et mal­heurs d’un célèbre argu­ment de conve­nance en faveur du mou­ve­ment de rota­tion de la Terre et posant la ques­tion de la fina­li­té du monde (XIVe‐XIXe siècles), in Revue des ques­tions scien­ti­fiques, vol. 189, 2018, n°1 – 2, pp. 103 – 208.

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« Comme la chair rôtie à la broche…»

Heurs et malheurs d’un célèbre argument de convenance en faveur du mouvement de rotation de la Terre et posant la question de la finalité du monde (XIVe‐XIXe siècles)

Résu­mé

Attes­tée à par­tir du XIVe siècle, l’analogie de la chair rôtie à la broche sou­tient que vou­loir faire tour­ner le Soleil autour d’une Terre rigou­reu­se­ment immo­bile serait aus­si ridi­cule que pré­tendre faire tour­ner le feu à l’entour de la viande à rôtir, car c’est au contraire à la Terre qu’il convient de tour­ner sur elle‐même pour pro­fi­ter, en tout point de sa sur­face, des bien­faits du Soleil, tout comme c’est à la viande qu’il incombe de tour­ner à la broche devant un feu immo­bile pour être par­fai­te­ment cuite de tous les côtés. Des­ti­née, dans le géo­cen­trisme, à sou­li­gner la plau­si­bi­li­té logique de la rota­tion de la Terre et, dans l’héliocentrisme, à sou­te­nir la réa­li­té phy­sique de cette même rota­tion ter­restre, cette ana­lo­gie ne sus­cite plus guère, aujourd’hui, qu’un sou­rire amu­sé, voire condes­cen­dant. Pour­tant, sa per­sis­tance sur la longue durée et sa fré­quence d’utilisation — du XIVe au XIXe siècle, nous avons retrou­vé sa men­tion chez pas moins de 45 auteurs dif­fé­rents — nous incitent à, enfin, lui prê­ter atten­tion. On s’aperçoit alors qu’outre sa por­tée expli­ci­te­ment cos­mo­lo­gique, elle pose, à sa manière, la ques­tion de la fina­li­té du monde natu­rel : si celui‐ci a été conçu en fonc­tion de l’homme, il est nor­mal, en dépit de ce que recom­mande cette ana­lo­gie, que le Soleil se mette au ser­vice de plus impor­tant que lui en tour­nant, au pro­fit des hommes, autour de la Terre ; dans le cas contraire, comme une telle entorse à la règle de bon sens illus­trée par cette ana­lo­gie ne peut plus être ni jus­ti­fiée ni tolé­rée, il revient à la Terre de se mou­voir autour du Soleil. Retra­cer, six siècles durant, les péri­pé­ties de cette ana­lo­gie, ce n’est donc pas seule­ment recons­ti­tuer l’histoire, lar­ge­ment oubliée, d’une ana­lo­gie désor­mais désuète, mais c’est éga­le­ment retrou­ver le sens pro­fond, doré­na­vant incom­pré­hen­sible, qui fût le sien. En décri­vant com­ment ce sens s’est pro­gres­si­ve­ment per­du, c’est enfin don­ner à com­prendre pour­quoi, aujourd’hui, nous ne sommes plus capables que d’un sou­rire amu­sé lorsque, au détour d’un texte, nous la rencontrons !

Abs­tract

First recor­ded in the 14th cen­tu­ry, the ana­lo­gy of spit‐roast meat argues that expec­ting the Sun to rotate around a strict­ly immo­bile Earth would be just as ludi­crous as trying to move the fire around the roas­ting meat. On the contra­ry, it should be the Earth that spins upon itself in order to glean, from all pos­sible angles, all the bene­fits of the Sun, just as it is the meat’s res­pon­si­bi­li­ty to turn on the spit before the motion­less fire for it to be per­fect­ly cooked on all sides. Aimed at demons­tra­ting, in geo­cen­tri­cism, the plau­si­bi­li­ty of the rota­tion of the Earth and, in helio­cen­trism, at sup­por­ting the phy­si­cal rea­li­ty of this ter­res­trial rota­tion, nowa­days this ana­lo­gy bare­ly eli­cits more than an amu­sed, or even condes­cen­ding, smile. Howe­ver, its conti­nued long‐term exis­tence and its fre­quen­cy of use — from the 14th to the 19th cen­tu­ry, we found it men­tio­ned by no less than 45 dif­ferent authors — inci­ted us to final­ly pay atten­tion to it. We then noti­ced that beyond its expli­cit­ly cos­mo­lo­gi­cal scope, it raises, in its own way, the ques­tion of the pur­pose of the natu­ral world : had the lat­ter been concei­ved based upon human­kind, then it is nor­mal, des­pite what this ana­lo­gy advo­cates, that the Sun is at the ser­vice of some­thing more impor­tant than itself by rota­ting, to the pro­fit of human­kind, around the Earth ; conver­se­ly, since such an infrin­ge­ment of the rule of com­mon sense, as illus­tra­ted by this ana­lo­gy, can nei­ther be jus­ti­fied nor tole­ra­ted, it is up to the Earth to move around the Sun. Tra­cing the vicis­si­tudes of this ana­lo­gy, over 6 cen­tu­ries, is thus not only about recons­truc­ting the lar­ge­ly for­got­ten his­to­ry of a pre­sent­ly obso­lete ana­lo­gy, but also about dis­co­ve­ring the dee­per mea­ning, hen­ce­forth incom­pre­hen­sible, behind it. In des­cri­bing how this mea­ning became pro­gres­si­ve­ly lost, one can final­ly pro­vide an unders­tan­ding of why, in the present day, we are no lon­ger capable of more than an amu­sed smile when hap­pe­ning upon it ! 

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