Livre ana­ly­sé

Réfé­rences

Stof­fel (Jean‐François), Compte ren­du de A. Fan­to­li, « Gali­lée : pour Coper­nic et pour l’Église », in Revue d’histoire ecclé­sias­tique, vol. 97, 2002, n°3 – 4, pp. 981 – 983.

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Annibale Fantoli

Galilée

Pour Copernic et pour l’Église

Fan­to­li (Anni­bale), Gali­lée : pour Coper­nic et pour l’Église / tra­duit par Fran­çois Evain sur la deuxième édi­tion ita­lienne, mise à jour par l’auteur. – Rome : The Vati­can Obser­va­to­ry Publi­ca­tions, 2001. – xx, 577 p. – (Stu­di gali­leia­ni ; 5).

Quel beau sous‐titre : pour Coper­nic et pour l’Église ! Pour Coper­nic bien sûr, dont Ga­lilée entend sou­te­nir la théo­rie hélio­cen­trique ; pour l’Église ensuite, car loin d’être un libre pen­seur se dres­sant volon­tai­re­ment contre l’«obscurantisme » de Rome, le savant flo­ren­tin, entraî­né mal­gré lui dans cet affron­te­ment, n’a sou­hai­té obte­nir, « pour la digni­té de l’Église » écrit‐il à Pie­ro Dini, qu’une seule chose : que l’héliocentrisme ne soit pas con­damné à la légère ; pour Coper­nic et pour l’Église enfin, car s’il a été fina­le­ment contraint de choi­sir l’Église contre la théo­rie de Coper­nic, Gali­lée n’avait jamais envi­sa­gé de devoir opter un jour entre l’une et l’autre. Pour Coper­nic, pour l’Église — laquelle, aujourd’hui en­core, est invi­tée à tirer les leçons de cette affaire, qui, de ce point de vue, ne doit pas être consi­dé­rée comme « clas­sée », mal­gré la recon­nais­sance offi­cielle des erreurs com­mises —, ce livre est fina­le­ment pour Gali­lée aus­si, puisque l’auteur, qui rend très bien la psycholo­gie de son « héros », lui rend assu­ré­ment justice.

Dans cette brève recen­sion, il n’est bien sûr pas pos­sible d’évoquer toute la richesse de cet ouvrage qui, sous le cou­vert d’une bio­gra­phie par­tielle de Gali­lée, nous amène avec suc­cès à mieux cer­ner toute la com­plexi­té de cette affaire aux mul­tiples facettes. Qu’il nous soit cepen­dant per­mis de mettre en exergue quelques idées chères à l’Auteur. Selon la thèse de nom­breux his­to­riens catho­liques, l’attitude des auto­ri­tés catho­liques vis‐à‐vis de l’héliocentrisme a d’abord été modé­rée, jusqu’à ce que la pro­hi­bi­tion du De revo­lu­tio­ni­bus et la condam­na­tion de Gali­lée soient pro­vo­qués par le zèle exces­sif et intem­pes­tif de ce der­nier, qui a vou­lu faire accep­ter par Rome une théo­rie qui, pour­tant, man­quait encore de preuves convain­cantes. Face à cette lec­ture, l’Auteur s’attache à mon­trer que le silence de l’Église catho­lique jusqu’au début du XVIIe siècle doit être inter­pré­té d’une manière beau­coup moins posi­tive qu’on ne le fait habi­tuel­le­ment ; que Gali­lée ne s’est pas pla­cé lui‐même sur le ter­rain de l’exégèse biblique ; qu’il a fait géné­ra­le­ment preuve d’une plus grande pru­dence que ses amis ; qu’il a cher­ché seule­ment à ce que les auto­ri­tés ecclésias­tiques ne prennent pas de déci­sion pré­ci­pi­tée contre le sys­tème de Coper­nic, mais laissent la ques­tion ouverte jusqu’à plus ample infor­mé ; et enfin que tout en étant personnelle­ment convain­cu de la véri­té de l’héliocentrisme et tout en cher­chant à le faire accep­té, il était lui‐même bien conscient de n’avoir pas four­ni de démons­tra­tion défi­ni­tive et irréfu­table du mou­ve­ment de la Terre. Bref, recon­naît l’Auteur à l’opposé de la thèse ci‐dessus rap­pe­lée, il y a eu, de la part de l’Église, un véri­table « abus de pouvoir ».

Face à cer­taines recons­ti­tu­tions bio­gra­phiques (notam­ment celle de St. Drake), l’Au­teur sou­tient éga­le­ment (avec rai­son) que Gali­lée, en véri­table phi­lo­sophe, s’est tou­jours refu­sé à accep­ter, même pro­vi­soi­re­ment, des sys­tèmes, tel que celui de Tycho Bra­hé, sans véri­table por­tée phy­sique. En cela, son com­bat « pour Coper­nic » est iden­ti­que­ment un com­bat (réa­liste), mené avec pru­dence (l’Auteur ne manque jamais de le faire remar­quer), en faveur de la décou­verte de l’exacte consti­tu­tion du monde. 

Agréable (voire pas­sion­nant) à lire, clair en dépit de la com­plexi­té du sujet, excessive­ment bien docu­men­té, se basant tou­jours sur les sources, nuan­cé et impar­tial (mal­gré ce que pour­rait lais­ser pen­ser le sous‐titre, bien plus « enga­gé » que le livre), cri­tique envers les acteurs de ce drame et leurs com­men­ta­teurs, le lec­teur fran­co­phone se réjoui­ra donc de la tra­duc­tion de cet ouvrage qui, paru ini­tia­le­ment en ita­lien (1993, nou­velle édi­tion en 1997), avait déjà été tra­duit en anglais (1994, nou­velle édi­tion en 1996) et en russe (1999). Il regret­te­ra néan­moins les nom­breuses « coquilles » enta­chant mal­heu­reu­se­ment cet ouvrage, qui consti­tue éga­le­ment l’édition la plus à jour de cette œuvre incontour­nable. Un livre à recom­man­der et, quel­que­fois, à discuter.