Livre ana­ly­sé

Réfé­rences

Stof­fel (Jean‐François), Compte ren­du de T. Cam­pa­nel­la, « Apo­lo­gia pro Gali­leo. Apo­lo­gie de Gali­lée », in Revue phi­lo­so­phique de Lou­vain, vol. 100, 2002, n°4, pp. 818 – 820.

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Tommaso Campanella

Apologia pro Galileo – Apologie de Galilée

Cam­pa­nel­la (Tom­ma­so), Apo­lo­gia pro Gali­leo – Apo­lo­gie de Gali­lée. Texte, tra­duc­tion et notes par Michel‐Pierre Ler­ner (Science et huma­nisme). Un vol. 16 × 24 de clxxiv‐335 pp. Paris, Les Belles Lettres, 2001. Prix : 39,64 €.

Publiée à Franc­fort en 1622, l’Apo­lo­gia pro Gali­leo du domi­ni­cain Tom­ma­so Campa­nella (1568−1639) a été rédi­gée au début de l’année 1616 — avant donc la condam­na­tion de l’héliocentrisme en mars de la même année — dans l’espoir d’éviter une telle déci­sion et en réponse à une « com­mande » du car­di­nal Boni­fa­cio Cae­ta­ni. Dans ce plai­doyer en fa­veur de Gali­lée, Cam­pa­nel­la ne s’attache cepen­dant pas à défendre cha­cune de ses décou­vertes astro­no­miques ni cha­cune de ses thèses cos­mo­lo­giques — lui‐même ne les par­tage d’ailleurs pas toutes, puisqu’il ne se ral­lie­ra jamais à l’héliocentrisme ! —, mais, pre­nant du recul par rap­port à ces faits et à ces affir­ma­tions et dans le cadre d’une réflexion plus gé­nérale sur le carac­tère licite ou non de l’instauration d’une nou­velle façon de phi­lo­so­pher libre­ment, il se pro­pose de sou­te­nir la ratio phi­lo­so­phan­di de l’illustre astro­nome, comme il l’avait fait pré­cé­dem­ment pour Ber­nar­di­no Tele­sio, en démon­trant qu’elle est conforme aux Saintes Écri­tures. La sur­prise que peut ici pro­vo­quer l’inscription de cette défense gali­léenne dans le sillage d’une pré­cé­dente plai­doi­rie télé­sienne et ce au sein d’un pro­jet cam­pa­nel­lien, s’atténue donc quelque peu dès lors qu’il s’agit, on l’aura com­pris, non pas de mettre en avant le conte­nu de ces doc­trines, mais leur com­mune manière de philoso­pher, à savoir le rejet de toute auto­ri­té livresque et la volon­té de recou­rir à la lec­ture di­recte de la nature.

C’est dans ce cadre de pen­sée cam­pa­nel­lien que vient donc s’intégrer l’Apo­lo­gia, d’au­tant que farou­che­ment oppo­sé à la phi­lo­so­phie aris­to­té­li­cienne qu’il tient pour intrinsè­quement fausse, mais éga­le­ment pour impie, Cam­pa­nel­la est convain­cu « qu’une nou­velle doc­trine de la nature fon­dée sur les ensei­gne­ments des sens et de la rai­son, non seule­ment ne serait pas obli­ga­toi­re­ment en contra­dic­tion avec l’Écriture, mais qu’elle pour­rait même trou­ver une confir­ma­tion de la part de cette der­nière » (p. lxvi). Armé de son éru­di­tion pesante, voire acca­blante, Cam­pa­nel­la se met donc, en tant que théo­lo­gien, en devoir d’établir que la ratio phi­lo­so­phan­di gali­léenne est, en réa­li­té, plus en accord avec la Bible que celle d’Aristote. Ce n’est évi­dem­ment pas démon­trer la véri­té scien­ti­fique de l’hélio­centrisme, mais c’est en tout cas sou­te­nir que la ques­tion de la struc­ture hélio­cen­trique de l’univers ne peut être tran­chée sur la base du texte sacré et qu’il y aurait même quelque dan­ger pour le chris­tia­nisme, voire quelque inco­hé­rence, à condam­ner Galilée.

Pour­tant, on le sait, le savant flo­ren­tin ne répon­dit pas à l’amitié que lui offrait Campa­nella et ne fit pas usage de son Apo­lo­gie. Par pru­dence tout d’abord, car Gali­lée, dont l’or­thodoxie reli­gieuse sem­blait sujette à cau­tion, ne pou­vait évi­dem­ment pas prendre le risque de ren­for­cer les soup­çons qui pesaient sur lui en se com­pro­met­tant avec un auteur qui, de ce point de vue, était encore plus sus­pect que lui et qui avait d’ailleurs déjà connu la pri­son à plu­sieurs reprises. Par diver­gence ensuite, car si les deux hommes s’accordent pour reven­di­quer une liber­tas phi­lo­so­phan­di dans le domaine de la phi­lo­so­phie natu­relle et pour refu­ser le joug que fait encore peser la tra­di­tion aris­to­té­li­cienne sur la recherche scien­ti­fique, le domi­ni­cain conti­nue à sou­hai­ter que la nou­velle science prenne appui sur un fon­de­ment méta­phy­sique solide, quand le flo­ren­tin, jugeant cette méthode sté­rile, cherche seule­ment à éta­blir une science rigou­reuse de la nature.

Cette pre­mière tra­duc­tion fran­çaise de l’Apo­lo­gia pro Gali­leo est menée par Michel‐Pierre Ler­ner, nul n’en sera éton­né, avec un soin et une intel­li­gence qui confinent à la perfection.