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Références
Stoffel (Jean‐François), L’irréalisable demande blondélienne : Pierre Duhem entre Henri Poincaré et Édouard Le Roy, dans Blondel entre « L’Action » et la Trilogie : actes du Colloque international sur les « écrits intermédiaires » de Maurice Blondel, tenu à l’Université Grégorienne à Rome du 16 au 18 novembre 2000 / édités par Marc Leclerc. – Bruxelles : Éditions Lessius, 2003. – pp. 140 – 150. – (Donner raison ; 12).
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L’irréalisable demande blondélienne
Pierre Duhem entre Henri Poincaré et Édouard Le Roy
Résumé
Cet article examine les raisons pour lesquelles Pierre Duhem n’a pas pu répondre à la demande de Maurice Blondel de séparer encore davantage physique et métaphysique.
L’auteur commence par rappeler la demande exprimée par Blondel, dès 1893, de distinguer plus nettement physique et métaphysique, alors que Duhem était déjà en train d’assouplir cette séparation. Il en résulte un écart entre leur phénoménalisme respectif qui perdurera. Puis il décrit les critiques adressées à Duhem durant ces années 1890 et émanant des milieux néothomistes. Certains l’accusent de nourrir le dédain de la métaphysique et le scepticisme. D’autres, plus pertinents, lui reprochent de ne pas accepter l’éclectisme, conséquence logique du phénoménalisme. Pour répondre à ces critiques, Duhem développe sa théorie de la classification naturelle, qui, en rétablissant une portée cognitive des théories physiques, l’éloigne toujours plus du phénoménalisme radical de Blondel.
Dans les années 1900, Duhem doit cette fois répondre aux interprétations antirationnalistes de son œuvre par Édouard Le Roy. Ce dernier réduit la science à une simple technologie et rend licite l’utilisation de modèles multiples, au détriment de la logique. Duhem et Poincaré s’allient alors pour défendre la valeur cognitive de la science. Dans La Théorie physique, Duhem persiste à soutenir une certaine forme de réalisme, non seulement contre l’éclectisme mais aussi contre le modélisme ontologique.
En conclusion, la prise en compte des critiques qui lui sont adressées et des interprétations excessives qui sont tirées de sa pensée permettent d’expliquer pourquoi Duhem n’a pu satisfaire à la demande de Blondel de radicaliser davantage la séparation entre physique et métaphysique. Sa pensée navigue entre un phénoménalisme et un réalisme qui doivent être pensés ensemble.
L’auteur commence par rappeler la demande exprimée par Blondel, dès 1893, de distinguer plus nettement physique et métaphysique, alors que Duhem était déjà en train d’assouplir cette séparation. Il en résulte un écart entre leur phénoménalisme respectif qui perdurera. Puis il décrit les critiques adressées à Duhem durant ces années 1890 et émanant des milieux néothomistes. Certains l’accusent de nourrir le dédain de la métaphysique et le scepticisme. D’autres, plus pertinents, lui reprochent de ne pas accepter l’éclectisme, conséquence logique du phénoménalisme. Pour répondre à ces critiques, Duhem développe sa théorie de la classification naturelle, qui, en rétablissant une portée cognitive des théories physiques, l’éloigne toujours plus du phénoménalisme radical de Blondel.
Dans les années 1900, Duhem doit cette fois répondre aux interprétations antirationnalistes de son œuvre par Édouard Le Roy. Ce dernier réduit la science à une simple technologie et rend licite l’utilisation de modèles multiples, au détriment de la logique. Duhem et Poincaré s’allient alors pour défendre la valeur cognitive de la science. Dans La Théorie physique, Duhem persiste à soutenir une certaine forme de réalisme, non seulement contre l’éclectisme mais aussi contre le modélisme ontologique.
En conclusion, la prise en compte des critiques qui lui sont adressées et des interprétations excessives qui sont tirées de sa pensée permettent d’expliquer pourquoi Duhem n’a pu satisfaire à la demande de Blondel de radicaliser davantage la séparation entre physique et métaphysique. Sa pensée navigue entre un phénoménalisme et un réalisme qui doivent être pensés ensemble.
Abstract
This article examines the reasons why Pierre Duhem was unable to respond to Maurice Blondel’s request for a greater separation between physics and metaphysics.
The author begins by recalling Blondel’s request, as early as 1893, for a clearer distinction between physics and metaphysics, whereas Duhem was already in the process of relaxing this separation. The result was a gap between their respective phenomenalisms that was to last. He went on to describe the criticism levelled at Duhem in the 1890s by neo‐phenomenalist circles. Some accused him of harbouring a disdain for metaphysics and scepticism. Others, more to the point, criticised him for not accepting eclecticism, the logical consequence of phenomenalism. In response to these criticisms, Duhem developed his theory of natural classification, which, by re‐establishing the cognitive scope of physical theories, took him further and further away from Blondel’s radical phenomenalism.
In the 1900s, Duhem had to respond to the anti‐rationalist interpretations of his work by Édouard Le Roy. Le Roy reduced science to mere technology and made the use of multiple models permissible, to the detriment of logic. Duhem and Poincaré joined forces to defend the cognitive value of science. In La Théorie physique, Duhem persisted in supporting a certain form of realism, not only against eclecticism but also against ontological modelling.
In conclusion, taking into account the criticisms levelled at him and the excessive interpretations drawn from his thought helps to explain why Duhem was unable to satisfy Blondel’s request to further radicalise the separation between physics and metaphysics. His thought navigates between a phenomenalism and a realism that must be thought together.
The author begins by recalling Blondel’s request, as early as 1893, for a clearer distinction between physics and metaphysics, whereas Duhem was already in the process of relaxing this separation. The result was a gap between their respective phenomenalisms that was to last. He went on to describe the criticism levelled at Duhem in the 1890s by neo‐phenomenalist circles. Some accused him of harbouring a disdain for metaphysics and scepticism. Others, more to the point, criticised him for not accepting eclecticism, the logical consequence of phenomenalism. In response to these criticisms, Duhem developed his theory of natural classification, which, by re‐establishing the cognitive scope of physical theories, took him further and further away from Blondel’s radical phenomenalism.
In the 1900s, Duhem had to respond to the anti‐rationalist interpretations of his work by Édouard Le Roy. Le Roy reduced science to mere technology and made the use of multiple models permissible, to the detriment of logic. Duhem and Poincaré joined forces to defend the cognitive value of science. In La Théorie physique, Duhem persisted in supporting a certain form of realism, not only against eclecticism but also against ontological modelling.
In conclusion, taking into account the criticisms levelled at him and the excessive interpretations drawn from his thought helps to explain why Duhem was unable to satisfy Blondel’s request to further radicalise the separation between physics and metaphysics. His thought navigates between a phenomenalism and a realism that must be thought together.
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