Livre analysé
Références
Stoffel (Jean‐François), Compte rendu de D. Cantemir, « L’image infigurable de la science sacro‐sainte », in Revue des questions scientifiques, tome 189, 2018, n°3, pp. 348 – 349.
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Démètre Cantemir
L’image infigurable de la science sacro‐sainte
L’image infigurable de la science sacro‐sainte / ouvrage publié sous la direction de Vlad Alexandrescu ; édition critique de Dan Sluşanschi et Liviu Stroia ; traduction, introduction, glossaire, notes, index et bibliographie de Vlad Alexandrescu. – Paris : Honoré Champion éditeur, 2016. – 748 p. – (Sources classiques ; 122).
Entreprendre la lecture de la Sacro‐sanctæ scientiæ indepingibilis imago, cet écrit rédigé par le jeune Démètre Cantemir (1675−1723) et resté à l’état de manuscrit autographe prêt à l’impression, c’est entamer un voyage bien surprenant… et qui ne manqua d’ailleurs pas de susciter la stupeur lors de sa découverte, en pleine période positiviste, en 1878. En effet, c’est découvrir un texte qui, bien qu’il date du siècle des Lumières, se propose d’élaborer, principalement sur la base de l’œuvre de Jean‐Baptiste van Helmont (1579−1644), une « physique chrétienne », globalement fidèle à l’enseignement mosaïque et donc anti‐aristotélicienne, en s’offrant le luxe de ne jamais tenir compte des découvertes de la science moderne et, encore moins, de les mentionner ou de les discuter ! Et cependant, on ne peut dénier à cet écrit toute valeur philosophique ni contester à son auteur le fait d’être un grand érudit !
Alors que les philosophes de la nature préfèreront sans doute le quatrième livre consacré à la question du temps et dans lequel l’auteur lance sa diatribe la plus féroce contre Aristote, nous nous limiterons principalement, pour notre part, à une évocation du deuxième livre (en l’occurrence un Hexaéméron, soit une explication des six jours de la Création), dans la mesure où il est le plus à même de retenir l’attention des historiens des sciences et, en particulier, de la cosmologie. Dans le cadre d’une vision du monde implicitement géocentrique et explicitement anthropofinaliste, l’auteur s’y prend continuellement au Stagirite. Ainsi, s’il maintient l’existence d’une dichotomie entre monde sublunaire et monde supralunaire et s’il s’attache à la fonder sur une différence matérielle, il réfute la théorie aristotélicienne des quatre éléments dès lors que le texte de la Genèse ne fait aucune mention de la création du feu, pas plus, d’ailleurs, que celle de l’éther. Par conséquent, le monde sublunaire n’est composé que d’eau (et de terre, puisque celle‐ci provient elle‐même de l’eau), quand le monde céleste est composé exclusivement d’air. Prenons garde, toutefois, que si les astres sont bel et bien incorruptibles, ils ne sont pas éternels, pas plus que la matière première d’ailleurs. Quant à la lumière et à la chaleur qui l’accompagne, créées avant le Soleil conformément au texte biblique, l’astre du jour est le seul à en disposer : les étoiles ne font que refléter sa lumière et nos feux terrestres en sont, eux aussi, issus. Outre sa critique des catégories aristotéliciennes que sont la matière, la forme et la privation, d’autres exemples scientifiques de cette opposition continuelle au Stagirite peuvent être signalés : son rejet de la doctrine des exhalaisons pour rendre compte des phénomènes atmosphériques ; son refus de l’explication de l’arc-en-ciel qui, pour lui, est un phénomène, apparu pour la première fois après le déluge, ayant certes une cause naturelle, mais qui est en lui‐même surnaturel ; ou bien, au contraire, son acceptation de l’existence du vide dans la nature afin de rendre possible le mouvement. On le voit : rien qui ne corresponde à l’image que l’on se fait d’un écrit rédigé, au siècle des Lumières, par une personne d’envergure. Mais ne l’oublions pas : ce n’est pas — ou du moins, pas seulement — à l’aune de ces affirmations scientifiques ponctuelles qu’il convient d’évaluer le texte du prince moldave !
Par l’excellence de la traduction française, par la qualité de la copieuse introduction (116 pages) qui introduit véritablement à la lecture du texte, par la précision des notes infrapaginales qui aident à le comprendre, cette première édition critique du texte latin et cette première traduction française donnée en vis‐à‐vis sont tout à fait dignes d’éloges !
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