Livre analysé
Références
Stoffel (Jean‐François), Compte rendu de M. Malpangotto, V. Jullien & ; E. Nicolaïdis (édit.), « L’homme au risque de l’infini : Mélanges d’histoire et de philosophie des sciences offerts à Michel Blay », in Revue des questions scientifiques, vol. 185, 2014, n°4, pp. 423 – 424.
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Édités par Michela Malpangotto, Vincent Jullien et Efthymios Nicolaïdis
L’homme au risque de l’infini
Mélanges d’histoire et de philosophie des sciences offerts à Michel Blay
L’homme au risque de l’infini : Mélanges d’histoire et de philosophie des sciences offerts à Michel Blay / édités par Michela Malpangotto, Vincent Jullien et Efthymios Nicolaïdis. – Turnhout : Brepols publishers, 2013. – 444 p. – (De diversis artibus ; 93 : nouv. série ; 56). ISBN : 978−2−503−55142−5 – 15,5 × 24 cm, 55 €.
Élève de Maurice Clavelin et de Jacques Merleau‐Ponty, s’inscrivant dans la lignée de la grande tradition française de l’épistémologie historique et dans celle du platonisme d’Alexandre Koyré, Michel Blay, qu’on peut définir comme réaliste, internaliste et anti‐inductiviste, est un spécialiste de l’optique newtonienne et du processus de mathématisation de la physique aux XVIIe et XVIIIe siècles, qui n’est pas indifférent ni à une compréhension philosophique du monde contemporain ni à cette politique actuelle de la recherche qui, trop souvent, conduit non plus à lire les publications des chercheurs, mais bien à les compter ! Après une brève introduction, une chronologie et une bibliographie de ses écrits, ce liber amicorum regroupe 33 contributions, presque toutes en français, d’auteurs pour la plupart connus et reconnus. À défaut de pouvoir les évoquer toutes, nous en épinglerons quelques‐unes.
M. Clavelin, toujours intéressant et toujours suggestif, montre comment Galilée, se trouvant désormais sans aucun support cosmologique (contrairement à Copernic), se trouve obligé d’adapter son argumentation à cette nouvelle donne. J. Seidengart, après avoir analysé l’analogie képlérienne établie entre la Trinité et les trois lieux géométriques immobiles du monde héliocentrique, explique comment le célèbre astronome est parvenu à mettre en évidence une harmonie similaire dans les éléments mobiles du monde, et ceci dans le dessein de nous inviter à ne pas séparer, en Kepler, le mystique et le scientifique. R. Halleux établit, avec toute l’érudition requise, la chronologie des œuvres de J.-B. Van Helmont comme prémisse nécessaire à sa biographie intellectuelle. B. Joly attire, avec bonheur, notre attention sur Pierre Jean Fabre dont la volonté de faire de l’alchimie une véritable philosophie explicative de tous les phénomènes de la nature le conduit à se prononcer contre le mouvement copernicien de la Terre en raison d’arguments ni théologiques, ni astronomiques, mais « alchimiques », ou du moins particulièrement audibles par un alchimiste. Tirant parti de l’expédition marseillaise de 1640 au cours de laquelle Gassendi, à bord d’une galère, lâcha un corps pesant du plus haut de ses mâts pour vérifier qu’il retomberait bien aux pieds de celui‐ci, V. Jullien retrace la longue histoire de cette célèbre « expérience », parfois mentale, parfois réelle, et des commentaires divergents qu’elle n’a pas cessé de susciter, avant de conclure que l’adhésion des scientifiques du XVIIe siècle à la théorie de l’inertie n’est pas le résultat de l’expérience menée par Gassendi, mais bien celui d’un vaste changement théorique, auquel ladite expérience a certes contribué, de sorte qu’il était devenu déraisonnable de refuser son adhésion à ce principe. Ne pouvant justifier sa théorie cosmogonique et géologique par l’observation directe du rôle joué par les tremblements de terre, nous explique Fr. Aït‐Touati, Robert Hooke comble ce manque en se tournant vers la poésie antique, en l’occurrence les Métamorphoses d’Ovide, dont il déconstruit la portée fictionnelle afin de retrouver l’information géologique censée se trouver à l’origine de cette fable ovidienne. Enfin, ne manquons pas de signaler l’article de Pascal Pirot : La « Commission nationale des sciences » et l’émergence d’un concept de politique scientifique en Belgique.
La mention de quelques noms (R. Fox, E. Knobloch, M. Panza, J. Eisenstaedt, Cl. Debru…) et de quelques thèmes (les paradoxes de Zénon, la poésie solaire de G. Le Fèvre de La Boderie, Fontenelle, Boscovich, Euler, Lagrange…) parmi ceux que nous n’avons pas épinglés devrait achever de convaincre le lecteur de la richesse de ce recueil, aussi varié que les centres d’intérêt de celui auquel il est dédié.
