Livre ana­ly­sé

Réfé­rences

Stof­fel (Jean‐François), Compte ren­du de M. Dubois, « Intro­duc­tion à la socio­lo­gie des sciences et des connais­sances scien­ti­fiques », in Euro­pean Review of His­to­ry, vol. 10, 2003, n°3, pp. 538 – 539.

Télé­char­ge­ment

Michel Dubois

Introduction à la sociologie des sciences et des connaissances scientifiques

Dubois (Michel), Intro­duc­tion à la socio­lo­gie des sciences et des connais­sances scienti­fiques. – Paris : Presses uni­ver­si­taires de France, 1999. – ix, 321 p. – (Pre­mier cycle).

Dis­ci­pline rela­ti­ve­ment jeune (son ins­ti­tu­tion­na­li­sa­tion n’a guère plus de qua­rante ans), la socio­lo­gie des sciences a déjà fait par­ler beau­coup d’elle, notam­ment pour avoir « éner­vé » un cer­tain nombre de scien­ti­fiques, d’historiens et de phi­lo­sophes. On pour­rait peut‐être sou­te­nir, en épis­té­mo­logue, que la véri­té est tou­jours per­tur­bante. Mais pour appli­quer une approche socio­lo­gique à l’émergence de la socio­lo­gie elle‐même, on pour­rait peut‐être aus­si pré­tendre qu’un tel remue‐ménage était pour le moins indi­qué pour acqué­rir, sur la scène aca­dé­mique, la visi­bi­li­té et la recon­nais­sance escomp­tées (cette bou­tade cache en réa­li­té une ques­tion de fond : la socio­lo­gie doit‐elle s’appliquer ses propres prin­cipes des­crip­tifs et expli­ca­tifs ou n’est-elle « bonne » que pour les autres ?). Quoi qu’il en soit, la socio­lo­gie des sciences fait doré­na­vant par­tie du pay­sage intellec­tuel com­mun, aus­si vaut‐il mieux s’y inté­res­ser quelque peu.

Recon­nais­sons d’emblée que cet ouvrage, pré­sen­té comme un manuel des­ti­né à expo­ser les aspects les plus signi­fi­ca­tifs de cette dis­ci­pline, nous a don­né, de ce point de vue, entière satis­fac­tion. Il s’ouvre avec bon­heur par un cha­pitre his­to­rique retra­çant les anté­cédents his­to­riques de la socio­lo­gie des sciences (à par­tir de Dur­kheim et de Mauss), puis ana­ly­sant le pro­gramme de recherche for­mu­lé par R. K. Mer­ton (1938 et 1942), et enfin pré­sen­tant la diver­si­fi­ca­tion des démarches socio­lo­giques (à par­tir des années 1960). Dans ce cha­pitre, nous regret­te­rons seule­ment que l’auteur, qui ne manque pas d’aborder les contro­verses internes à la socio­lo­gie des sciences, se soit abs­tenu de trai­ter des cri­tiques qui n’ont pas man­qué d’émaner des repré­sen­tants d’autres dis­ci­plines (cf. p. 55). His­to­riens, phi­lo­sophes, et scien­ti­fiques ont pour­tant, semble‐t‐il, bien des choses à ap­prendre aux socio­logues. De même, nous aurions éga­le­ment sou­haité que l’auteur s’at­tache plus expli­ci­te­ment à faire res­sor­tir les moti­va­tions idéolo­giques de bien des cou­rants de la socio­lo­gie des sciences qui, natu­rel­le­ment, sont loin d’être « innocents ».

Visant un objec­tif dif­fé­rent, les cha­pitres deux à cinq se pro­posent ensuite de mon­trer com­ment les socio­logues déve­loppent dif­fé­rentes approches autour d’un même en­semble de pro­blèmes, tels que les fon­de­ments de la com­mu­nau­té scien­ti­fique, l’organisation so­ciale du tra­vail, le choix des pro­blèmes scien­ti­fiques, ou encore le con­tenu des théo­ries scien­ti­fiques. Recon­nais­sons que nous avons été par­ti­cu­liè­re­ment sen­sible au qua­trième cha­pitre, inti­tu­lé « Autour de la notion de conven­tion », où l’auteur dénonce avec beau­coup de jus­tesse la « relec­ture construc­ti­viste du conven­tion­na­lisme de Pierre Duhem » (nous serions d’ailleurs encore beau­coup plus recon­nais­sant envers l’auteur s’il vou­lait bien pour­suivre sa réflexion en allant jusqu’à sub­sti­tuer, dans ce titre, le terme de « phé­noménalisme » à celui de « conven­tion­na­lisme » qui, mal­gré qu’il soit fort répan­du, ne convient guère à Duhem). Il faut le dire sans ambages : non seule­ment Duhem refu­se­rait de sous­crire à cette (trop) fameuse « thèse Duhem‐Quine » qui porte mal­heu­reu­se­ment son nom, mais il s’y oppo­se­rait avec vigueur, tant elle s’oppose à l’esprit de toute sa ré­flexion philosophique !

Claire, bien struc­tu­rée et bien docu­men­tée, pré­sen­tant les dif­fé­rentes ten­dances qui existent à l’intérieur de la socio­lo­gie des sciences, hon­nête en n’oubliant pas d’être cri­tique, nous recom­man­dons sans hési­ter cette intro­duc­tion à tous ceux qui veulent s’infor­mer sur cette discipline. 

Recherche